Esther Senot, rescapée d’Auschwitz, témoigne pour nous les élèves de l’Académie de Montpellier.

 


Crédit : France 3 Occitanie


Ce jeudi 10 décembre, nous, les élèves de l’Académie de Montpellier ,avons pu suivre en visioconférence et en direct le témoignage très émouvant  d’ Esther Senot, rescapée des camps de concentration et d’extermination de la Seconde Guerre mondiale. Pendant plus d’une heure et demi, Madame Senot a livré aux élèves son expérience douloureuse dans ces camps français puis nazis.


I) Contexte historique

En 1934, en Allemagne, Hitler a les pleins pouvoirs et mène sa dictature nazie. En France, à la même époque, c’est le gouvernement démocratique de Daladier qui est mis en place mais le chômage est très fort et les ligues d’extrême droite s’agitent. 


II) Le parcours d’Esther Senot

Son parcours est pour le moins particulier. Sa famille juive quitte la Pologne pour aller s’établir en France où l’antisémitisme est bien moins présent à ce moment-là, elle y trouve aussi l’avantage de la démocratie. Le pays des droits de l’homme va-t-il la protéger ? Installée avec sa famille dans un quartier populaire parisien, elle va à l’école. 

En 1934, sa famille demande la naturalisation mais, dans un contexte où la xénophobie règne, elle leur est refusée. Plus tard, en septembre 1939, la guerre éclate. 

En mai 1940, elle obtient son certificat d’études. Cette année-là, les écoles ferment. L’Alsace et la Moselle sont annexées. Les Allemands occupent le nord du pays et c’est le début de la ligne de démarcation qui sépare hermétiquement  deux nouvelles zones : la zone occupée par les Allemands, et la zone dite “libre”, où les Français sont censés pouvoir vivre plus normalement. 


                  

    Carte de la France en 1940


Pétain prend les pleins pouvoirs en juillet 1940. En mai 1941, il met en place une loi sur le “statut de la race juive” : de nombreux métiers leurs sont interdits et certains juifs français sont dénaturalisés. 

4000 parisiens, dont deux frères d’Esther Sénot, sont raflés par la Police française — soumise aux ordres des préfets — et sont internés de juin 1941 à juin 1942 dans le centre d’internement de la Loire. Certains policiers très courageux prennent le risque de prévenir les Juifs afin qu’ils se cachent. Toutefois, dans son quartier populaire, Madame Senot arrive seule à survivre même si la vie est difficile. Elle a 14 ans en juin 1940. En Juillet 1942, la rafle du Vel d’Hiv, la plus importante de France a lieu : 13115 personnes juives sont arrêtées et les parents d’Esther n’y échappent pas.


Le Vél’ d’Hiv était un vélodrome, il n’y a pas de photo de cette rafle .


Heureusement, la gardienne (une résistante Communiste) de l’immeuble où habitait la belle sœur d’Esther lui apporte son aide et l'héberge puis lui trouve un passeur pour traverser la ligne de démarcation. Elle se réfugie à Pau, ville en zone libre où son frère habite. Elle s’y cache d’août à novembre 1942. 

Les Allemands envahissent alors la zone libre et elle se retrouve en orphelinat,à Paris. Un jour, elle sort du métro et est contrôlée par la police mais elle n’a pas de papiers car elle est mineure et refuse de donner son vrai nom, sachant que les juifs sont pourchassés. Elle se retrouve alors au commissariat et se voit dans l’obligation de révéler son identité. Elle est désormais Juive étrangère et internée au camp de Drancy durant quelques jours. 

Elle est ensuite déportée le 25 septembre 1943 au camp d’Auschwitz. Elle décrit ce voyage infernal, entassée dans un wagon à bestiaux, où personne n’a de quoi survivre. Elle précise que le tonneau pour faire ses besoins déborde rapidement. C’est l’odeur des excréments qui s’exhale dans le train. Et il n’y a qu’un seau d’eau pour tout le trajet.


"Les bébés hurlaient, les personnes âgées tombaient par terre. Nos besoins s'étaient répandus dans le wagon. On s'est pris des coups de matraque pour nous faire descendre des wagons."   Esther Senot


A Auschwitz, en sortant du train, une sélection est faite : parmi les 106 personnes, certaines plus faibles et plus âgées montent dans le camion, elles seront rapidement tuées dans les chambres à gaz. Les plus jeunes et les plus robustes dont Esther fait partie entrent dans le camp de concentration de Birkenau pour travailler.

Dans ces camps, les Juifs sont torturés, rasés, on remplace leur nom par un numéro tatoué qu’ils sont sommés de connaître : les nazis veulent leur faire oublier leur humanité et leur identité. Les maladies telles que le typhus et la dysenterie pullulent. Elle y retrouve sa sœur mais ne la reconnaît pas tellement elle est squelettique , elle lui promet alors de témoigner à la place de tous ceux qui ne reviendront pas. Esther ne travaille plus dehors et est sauvée du froid ce qui lui permet de tenir.. 



"Elle m'a dit : "Ecoute, pour moi, c'est fini. Si tu as la force de tenir, tiens le coup. Si tu as la chance de revenir des camps, promets-moi de raconter ce qui nous est arrivé pour ne pas qu'on soit les oubliées de l'histoire." La promesse à ma sœur m'a poursuivi."     Esther Senot



     

      Camp de concentration d’Auschwitz 


. Elle passe 16 mois au camp d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne. Puis elle est déportée à Flossenbürg, en Allemagne, et enfin à Mauthausen, en Autriche. Sa sœur est victime de la sélection en avril 1944 et meurt dans une chambre à gaz.

Enfin, eut lieu la “Marche de la mort”, c’était un épisode  pendant lequel les gardiens faisaient avancer les prisonniers en vue de fuir l’avancée des russes. A ce moment-là, seules 2 personnes du convoi d’Esther sont encore en vie: le froid, la faim et les balles nazies continuent leur travail

Le 8 mai 1945, c’est l’Armistice, et donc, la fin de cette terrible guerre. Elle retourne à Paris (passage par l'hôtel Lutetia) et retrouve son amie qui est elle aussi une survivante des camps. Comme elle, elle ne pèse que  32 kilos, elle est rasée, toute sa famille est morte ...


"Je ne tenais plus sur mes jambes. J'avais des plaies sur la tête, je pesais 32 kilos et j'avais les cheveux rasés."  Esther Senot



Les scènes étant épouvantables, les traumatismes, innommables, la peur, indescriptible, personne n’ose croire aux témoignages des rescapés des camps. Cette impossibilité de raconter est un traumatisme supplémentaire.


"On nous a traités de tous les noms, de menteuses, on nous a dit qu'on racontait n'importe quoi. On a été culpabilisées d'être revenues, on s'est repliées sur nous-mêmes. Le seul problème est qu'on était nées juives."  Esther Senot


Elle a depuis repris une vie “normale”, a fondé une famille et eu plusieurs enfants. 


        III) Notre ressenti

Le témoignage d’Esther Senot nous a permis de nous rendre compte, par des détails très précis, comment vivaient ou essayaient de survivre les Juifs sous le régime nazi, et ce qu’avaient été les camps de concentration et d’extermination, même si, évidemment, on ne saurait réellement imaginer les souffrances passées, endurées par les Juifs à cette époque. 


    IV) Pourquoi témoigner ?

 

Sa sœur, peu de temps avant de mourir, demande à Esther de témoigner. Elle raconte donc inlassablement son histoire pour ne pas oublier, car c’est un travail de mémoire. Mais elle veut également tout faire pour éviter qu’un tel événement ne se reproduise. Elle nous dit, pour conclure, qu’il faut accepter la différence car elle est porteuse de paix. Elle compte sur nous les jeunes pour devenir des passeurs de mémoire, pour être toujours vigilants.


"Au nom du racisme et de l'antisémitisme, les pires horreurs ont été commises. On avait espéré que tout cela n'existerait plus. Et c'est revenu en force." Esther Senot




Hugo ANDRIEU & Sergiu CARP, 3°5